Qu'évoque pour vous le terme « risque d'investissement » ? Pour certains lecteurs, il est synonyme de volatilité.
Nombreux sont en effet les investisseurs qui considèrent le « risque » et la « volatilité » comme des concepts interchangeables, ce qui est bien souvent le cas. La volatilité est un risque majeur avec lequel les investisseurs doivent composer la plupart du temps et sur de courtes périodes.
Il n'est jamais très plaisant de voir votre allocation aux actions (qu'elle constitue l'intégralité de votre portefeuille ou une faible part) perdre jusqu'à 20% en un rien de temps lors des phases de correction, ou, pire encore, dégringoler de 30%, 40% ou plus en cas d'important repli du marché. Au bout du compte, les investisseurs en actions tolèrent la volatilité car, selon la théorie financière (soutenue par l'expérience), ils seront récompensés pour cette volatilité sur le long terme, dans une plus large mesure que pour les autres classes d'actifs moins volatiles.
Mais la volatilité n'est pas le seul risque que courent les investisseurs. Par exemple, on dit souvent des obligations qu'elles sont plus sûres, or il n'existe aucune définition technique généralement admise du terme « sûr », ni aucune obligation dénuée de risque. Les investisseurs obligataires sont confrontés au risque de défaut, c'est-à-dire le risque que l'émetteur de la dette n'honore pas ses obligations de paiement dans les temps, voire qu'il fasse faillite.
Il existe également un risque lié aux taux d'intérêt, autrement dit le risque que l'évolution à la hausse comme à la baisse des taux d'intérêt affecte votre rendement. Dans un contexte de baisse des taux, il peut s'avérer difficile pour les investisseurs de se désengager d'obligations arrivant à échéance pour réinvestir dans des titres affichant des rendements similaires.
Mais le risque de taux d'intérêt ne se limite pas à ça. Ces derniers temps, les rendements obligataires s'établissent à des niveaux planchers d'un point de vue historique. Le graphique 1 montre que les rendements des bons du Trésor américain (plus grand marché obligataire souverain au monde) ont chuté de manière quasiment ininterrompue depuis 1980 pour atteindre des niveaux historiquement bas.
Graphique 1 – Rendements des bons du Trésor US à 10 ans
Source : Factset, au 18/01/2018. Rendement de référence des bons du Trésor américain à 10 ans, du 31/12/1979 au 31/12/2017.
Lorsque les taux sont bas, cela ne présage pas nécessairement une hausse prochaine. Ils peuvent connaître une évolution latérale, voire une nouvelle baisse.
Mais quoi qu'il arrive, ils finiront par remonter, et cela pourrait éroder la valeur de vos obligations. Libre à vous de vous dire que vous conserverez vos obligations jusqu'à leur échéance, mais dix ans, c'est long, et que dire de trente ans ! Qui plus est, dans le cas où vous seriez amené à vendre, la moindre variation des taux d'intérêt, si infime soit-elle, pourrait avoir un impact considérable sur votre rendement. Plus les taux augmentent, plus votre rendement total en pâtit. Tel est le risque de taux d'intérêt qui pèse sur vos investissements. Ne le négligez pas !
Risque d'inflation, risque politique, risque de change, risque de liquidité... J'en passe et des meilleures ! La volatilité est décidément loin d'être le seul risque auquel sont confrontés les investisseurs.
En 1997, Ken Fisher (Fondateur de Fisher Investments Monde) et son collaborateur Meir Statman (titulaire de la chaire Glenn Klimek en Sciences financières de la Leavey School of Business de l'Université Santa Clara) ont publié un article sur les risques intitulé « The Mean-Variance-Optimization Puzzle: Security Portfolios and Food Portfolios » dans le Financial Analysts Journal.
Ce travail de recherche dresse des parallèles entre l'alimentation et l'investissement. Lorsqu'elle mange, une personne recherche simultanément différentes propriétés. Outre la valeur nutritive, sa nourriture doit être appétissante tant sur le plan visuel que gustatif. Elle associe également ce qu'elle veut manger au moment de la journée. Un bol de céréales convient parfaitement pour le petit-déjeuner, mais qui aurait la drôle d'idée d'en faire son dîner? À cela s'ajoute le prestige de l'emballage, un critère non négligeable dans le choix des consommateurs.
Les attentes d'une personne vis-à-vis de son alimentation peuvent évoluer rapidement. Ce qu'elle ressent comme un risque, c'est de vouloir quelque chose à un moment précis, mais de penser (ou craindre) qu'elle ne pourra pas l'obtenir. Elle perd de vue ce qu'elle obtient à l'instant présent. Prenons l'exemple d'une personne prise d'une fringale nocturne : face à son frigo désespérément vide, elle n'a d'autre choix que de se tourner vers un bol de céréales. Elle n'apprécie guère de manger ça au « mauvais » moment de la journée et se sent un peu ridicule. Mais elle n'en parlera pas le lendemain au travail ! Il s'agit là de deux risques. Et pourtant, elle en oublie le besoin qui est satisfait, à savoir se rassasier.
De quelle manière cela s'applique-t-il à l'investissement ? À l'instar de l'alimentation, ce que les investisseurs considèrent comme un risque, c'est souvent de ne pas obtenir quelque chose à un moment donné, indépendamment du fait que d'autres objectifs soient atteints. Si un investisseur déclare qu'il veut à tout prix éviter la volatilité à la baisse, c'est qu'il pressent de la volatilité et souhaite s'en protéger. Mais si, après cela, les actions enregistrent une expansion durable, il pourrait avoir l'impression de passer à côté d'une opportunité, ce qui est ressenti comme une autre forme de risque.
Ce risque est appelé coût d'opportunité, à savoir le fait d'entreprendre ou de ne pas entreprendre une action avec à la clé des rendements inférieurs à ceux que vous auriez autrement reçus. Et les conséquences peuvent s'avérer dévastatrices.
Imaginons par exemple que vous disposez d'un horizon d'investissement à long terme mais que vous vous concentrez avant tout sur le risque de volatilité à court terme. Vous pourriez alors être amené à mettre en place une allocation obligataire permanente trop importante par rapport à vos objectifs de long terme. Par conséquent, en l'absence d'une exposition suffisante aux actions, vous pourriez voir vos rendements s'amenuiser et ainsi manquer vos objectifs à long terme, potentiellement d’une large mesure.
Les dégâts pourraient s'avérer très importants, en particulier si vous comptez sur votre portefeuille pour vous fournir des flux de trésorerie une fois à la retraite. Le cas échéant, il vous faudra peut-être vous serrer la ceinture si votre portefeuille pâtit du coût d'opportunité sur une période prolongée.
Le problème avec le coût d'opportunité, c'est que son impact délétère peut ne pas transparaître avant un certain temps. Rappelons que votre horizon d'investissement peut s'étendre sur 20 ou 30 ans, voire plus ! Vous pourriez vous retrouver face à une catastrophe irréparable si vous vous rendez compte dans une vingtaine d'années qu'il vous aurait fallu un rendement annualisé de 9-10% en moyenne mais que votre portefeuille axé sur une moindre volatilité à court terme n'a pas produit ce résultat. Il est particulièrement délicat, voire impossible, de compenser vingt années de rendements trop bas, d'autant plus si vous entendez profiter de flux de trésorerie. Vous pourriez vous retrouver contraint de réduire vos dépenses afin de ne pas tomber trop rapidement à court d'argent. Une telle décision a de quoi entamer sérieusement votre moral – et celui de votre conjoint – si vous comptiez sur un revenu accru, en particulier si vous êtes déjà retraité ou approchez de la retraite. C'est une situation difficile à accepter, et plus encore à expliquer à votre conjoint.
Et pourtant, la majorité des investisseurs ont probablement tendance à faire peu de cas du coût d'opportunité. Du moins en règle générale, car il revient souvent sur le devant de la scène dans le sillage d'une phase de marché haussière prolongée et lorsque les investisseurs cèdent à un optimisme débordant, voire à l'euphorie. Ainsi, en fin d'année 1999 et en 2000, les investisseurs se sont soudainement mis en quête du prochain « gros coup » après une décennie au cours de laquelle il semblait facile, trop facile même, de générer des rendements considérables grâce aux actions. Nombre d'entre eux ont accru le risque au sein de leur portefeuille en s'exposant de manière excessive aux valeurs technologiques (le secteur le plus en vue à l'époque), avec les conséquences que l'on connaît...
De manière générale, les investisseurs font l'erreur d'accorder trop d'importance à la volatilité et pas assez, voire pas du tout, au coût d'opportunité. Comment se fait-il que ce risque bien réel soit si souvent négligé ? Warren Buffett a popularisé le dicton « Montrez-vous avide quand les autres sont craintifs, et craintif quand les autres sont avides ». Notre cerveau a été conditionné, au fil des millénaires, à craindre davantage les pertes plutôt qu'à apprécier la perspective de gain. Par ailleurs, les investisseurs ont selon nous tendance à ne porter que peu de crédit aux marchés haussiers alors même qu'ils se déroulent devant leurs yeux.
Ça n'a pas de sens ! Et pourtant, nombreux sont ceux qui conviendraient que dans l'ensemble, les investisseurs se montrent généralement haussiers lorsqu'ils devraient être baissiers, et vice versa. Ainsi, si les actions augmentent environ72% du temps chaque année, ils adoptent bien souvent un comportement baissier et minimalisent l'importance du coût d'opportunité en tant que risque.
Ne suivez pas ce schéma ! La volatilité est certes un risque majeur, mais ce n'est pas le seul. Pour les investisseurs dotés d'un horizon de placement à long terme, ne pas accepter un niveau suffisant de volatilité – risque d'opportunité – pourrait s'avérer dévastateur.